Se dire artiste
aujourd’hui c’est une manière très branchée
de se résigner à accepter - et donc à défendre -
le monde marchand et à en être, sous couvert de "reconnaissance",
son esclave le plus docile ; un VRP de la non-vie et de l’ennui. L’extension
du terme " artiste " à une multitude d’activités
- comédiens, musiciens, chanteurs, comiques, danseurs, cinéastes,
photographes, designers, stylistes, etc. - est une expression de l’acceptation
toujours plus grande des valeurs bourgeoises. Si cette dissolution du mot "
artiste " participe à le déprécier, elle n’implique
pas pour autant sa fin. Le galvaudage du mot " artiste " ne signifie
pas la mort de l’artiste, bien au contraire. Alors ? Contre ? Tous contre
?
Se présentant comme des victimes de la marchandisation de la culture,
ils en sont pourtant à la fois le résultat et un des principaux
acteurs.
L’artiste fait son boulot. Aujourd’hui, il est un modèle
de travailleur, passionné par son métier : créatif, flexible,
capable de s’adapter et de se renouveler en permanence face aux rythmes
imposés par le marché de l’offre et de la demande culturelle
illimitée.
Il est perçu le plus souvent comme " jeune, technologique et citoyen
", et de gauche évidemment. Son ralliement à l’idéologie
progressiste du " peuple de gauche ", à partir de la fin du
XIXe siècle, s’explique surtout en raison du rapport paradoxal
et schizophrène qu’il a longtemps entretenu avec la bourgeoisie
(rejet du monde bourgeois et de ses valeurs combiné à une volonté
d’être reconnu par lui). Ce progressisme s’exprimera dans
le monde spécialisé de l’art au XXe siècle à
travers le phénomène des avant-gardes qui s’étaient
donné pour principal objectif de " faire avancer " l’art...
Mais si à notre époque l’artiste est devenu un modèle
de travailleur citoyen qui a pu inspirer de nouvelles formes de gestion du capital,
ce processus a permis dans un même temps d’affermir son sentiment
de supériorité. Et puisqu’il représente effectivement
une forme élitiste de l’activité créatrice autonome
et individuelle, il participe logiquement à la légitimation du
système hiérarchique moderne de domination. L’artiste prétend
- et c’est l’image que la société lui renvoie - ne
pas être véritablement un travailleur comme les autres. Il se situe
au-dessus de la foule des autres travailleurs en produisant des objets qui autorisent
" l’esprit " à s’élever loin des velléités
consommatrices du bas monde vulgaire.
Une trentaine d’artistes plasticiens de Puisaye Forterre principalement,
membres de l’association Créacteurs en Puisaye, se réunissent
autour de ce propos.
Ils vous présenteront leur travail, loin de la résignation et
de l’ennui, vous interpelleront, vous feront peut-être rêver
autrement que le font les marchands d’aujourd’hui.